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Le Combat des Rats et des Belettes

LA nation des Belettes,
Non plus que celle des Chats,
Ne veut aucun bien aux Rats ;
Et sans les portes étretes
De leurs habitations,

L’animal à longue échine
En ferait je m’imagine,
De grandes destructions.
Or une certaine année
Qu’il en était à foison,
Leur Roi nommé Ratapon,
Mit en campagne une armée.
Les Belettes de leur part
Déployèrent l’étendard.
Si l’on croit la Renommée,
La Victoire balança.
Plus d’un Gueret s’engraissa
Du sang de plus d’une bande.
Mais la perte la plus grande
Tomba presque en tous endroits
Sur le peuple Souriquois.
Sa déroute fut entière :
Quoi que pût faire Artarpax,
Psicarpax, Méridarpax,

Qui tout couverts de poussière,
Soutinrent assez longtemps
Les efforts des combattants.
Leur résistance fut vaine :
Il fallut céder au sort :
Chacun s’enfuit au plus fort,
Tant Soldat que Capitaine.
Les Princes périrent tous.
La racaille dans des trous
Trouvant sa retraite prête,
Se sauva sans grand travail.
Mais les Seigneurs sur leur tête
Ayant chacun un plumail,
Des cornes ou des aigrettes ;
Soit comme marques d’honneur :
Soit afin que les Belettes
En conçussent plus de peur :
Cela causa leur malheur.
Trou, ni fente, ni crevasse

Ne fut large assez pour eux :
Au lieu que la populace
Entrait dans les moindres creux.
La principale jonchée
Fut donc des principaux Rats.
Une tête empanachée
N’est pas petit embarras.
Le trop superbe équipage
Peut souvent en un passage
Causer du retardement.
Les petits en toute affaire
Esquivent fort aisément :
Les grands ne le peuvent faire.

Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine

Les illustrations

Le pdf

Le pdf de la fable Le Combat des Rats et des Belettes de Jean de La Fontaine est disponible dans le recueil Fables de La Fontaine :