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Le texte

Chanson (Courtisans ! attablés…)

Courtisans ! attablés dans la splendide orgie,
La bouche par le rire et la soif élargie,
Vous célébrez César, très bon, très grand, très pur ;
Vous buvez, apostats à tout ce qu’on révère,
Le chypre à pleine coupe, et la honte à plein verre… —
Mangez, moi je préfère,
Vérité, ton pain dur.

Boursier qui tonds le peuple, usurier qui le triches,
Gais soupeurs de Chevet, ventrus, coquins et riches,
Amis de Fould le juif et de Maupas le grec,
Laissez le pauvre en pleurs sous la porte cochère,
Engraissez-vous, vivez, et faites bonne chère… —

Mangez, moi je préfère,
Probité, ton pain sec.

L’opprobre est une lèpre et le crime une dartre.
Soldats qui revenez du boulevard Montmartre,
Le vin, au sang mêlé, jaillit sur vos habits ;
Chantez ! la table emplit l’École militaire,
Le festin fume, on trinque, on boit, on roule à terre… —
Mangez, moi je préfère,
O gloire, ton pain bis.

O peuple des faubourgs, je vous ai vu sublime.
Aujourd’hui vous avez, serf grisé par le crime,
Plus d’argent dans la poche, au cœur moins de fierté.
On va, chaîne au cou, rire et boire à la barrière.
Et vive l’empereur ! et vive le salaire !… —
Mangez, moi je préfère,
Ton pain noir, Liberté !

Jersey, décembre 1852.

Victor Hugo, Les Châtiments

Les illustrations

Chanson (Courtisans ! attablés...) de Victor Hugo dans Les Châtiments - Peinture de William Hogarth - The tavern scene - 1735
Chanson (Courtisans ! attablés...) de Victor Hugo dans Les Châtiments - Peinture de William Hogarth - The tavern scene - 1735
Victor Hugo - Litographie de Achille Devéria - 1829
Victor Hugo - Litographie de Achille Devéria - 1829

Le pdf

Le pdf du poème Chanson (Courtisans ! attablés…) de Victor Hugo et du recueil Les Châtiments seront bientôt disponible.